Effondrement 1 : Agnès, la révélation

Effondrement Agnes

Effondrement

1. Agnès, la révélation

Un soir, je me rends d’un pas léger dîner avec mon amie Agnès et sa fille qui n’est autre que ma filleule. Papa Ours, dans l’histoire, c’est Polo, notre cher illustrateur. Beuref : sisi la famille. Une fois boucle d’or couchée, Agnès entreprend de me lire des passages du livre « Comment tout peut s’effondrer » de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. Changement d’ambiance. Ben ouais, avec mes copines, on parle pas chiffons. Du coup, j’ai commencé à me documenter et j’ai eu l’idée d’une série de témoignages qui retracent ma prise de conscience et celle des amis à qui j’ai passé le message ensuite. Premier volet : Agnès, la révélation :

« Je m’appelle Agnès, j’ai quarante ans, je vis et travaille à Paris. Dans la vie, j’aime beaucoup lire, voyager à vélo, chanter des chansons avec mes amis, déguster la cuisine de mon mari, regarder ma fille grandir… »

Tu es la première à m’avoir parlé d’effondrement, de quoi s’agit-il ?

Agnès : Si tu veux le savoir, lis les bouquins qui en parlent, moi je ne suis pas spécialiste ! Tout ce que je peux te dire, ce que j’en ai compris, c’est que quand on emploie ce mot, en ce moment, dans les médias, cela renvoie à l’effondrement de notre civilisation industrielle. En gros, notre civilisation repose sur des énergies fossiles et des ressources épuisables, elle se shoote au fantasme d’une croissance infinie, et une fois qu’on a dit ça, faut vraiment être neuneu pour penser que ça va bien se passer. Ce que je n’avais pas saisi, c’est l’aspect systémique de la chose ; j’avais intégré les enjeux climatiques depuis un moment, mais je ne faisais pas le lien avec le pic pétrolier, les crises financières, l’évolution démographique et la mondialisation de l’économie… Or tous ces éléments sont liés, interdépendants, et les signaux d’avertissement sont au rouge, sur tous les tableaux. En bref, on est en phase de suicide collectif, « et tout le monde s’en fout », comme dirait l’autre.

Bon. Une fois qu’on a compris ça, on se demande « comment » cet effondrement pourrait se produire, et bien sûr « quand » ? Effondrement brutal ou progressif ? Demain matin au réveil ou dans 100 ans ? Et puis surtout, ça ressemblerait à quoi cet effondrement ? En France par exemple, dans le 11e arrondissement de Paris ? Et, tant que vous y êtes, si vous pouvez zoomer sur la rue Saint-Maur, ça m’arrangerait de savoir… Il paraît que si l’on regarde certains bons films de science-fiction, on peut se faire une idée assez pointue de ce qui nous attend, mais moi, c’est pas mon truc. En réalité, personne n’en sait rien précisément. Dans les pays occidentaux, on peut s’attendre, pour le moins, à une dégradation drastique de notre confort de vie (accès à l’énergie, à l’alimentation, à l’eau, aux soins, au logement, etc.), si chèrement acquis au détriment de la nature et des pays « en voie de développement ».

Les scientifiques ne sont pas Madame Irma, ils ne font pas de prédictions, ils tentent de modéliser des scénarios « possibles ». Or tous les scénarios conduisent à la même conclusion : cet effondrement est inévitable car notre système actuel n’est pas soutenable et, petite nouveauté dans l’histoire de l’humanité, il s’annonce mondial et non pas localisé. Autre constat largement partagé : notre marge de manœuvre est bien faible. Elle consiste à tenter d’amortir les chocs en organisant une transition vers un monde postcroissant, postcarbone, dans des conditions climatiques perturbées. À ce jour, face à l’inertie des gouvernements, c’est l’échelle locale qui offre le plus de souplesse. À l’initiative de Rob Hopkins, le « réseau de la Transition » a vu le jour en 2008 et des initiatives germent depuis, un peu partout dans le monde. C’est encore peu mais ce n’est pas rien, voyons les choses positivement. Si tu veux voir ce qui se fait en France, tu peux consulter le site de Transition France qui donne un premier aperçu.

Avec cette prise de conscience, as-tu changé des choses dans ta vie ? Qu’imagines-tu pour l’avenir ?

Agnès : Pour le moment, nous n’avons pas changé grand-chose ; nous vivons comme des bobos parisiens que nous sommes : on mange local et bio, on ne va plus au supermarché, on se déplace à vélo, on vise le « zéro déchet » … Avec des ratés d’ailleurs, car nous avons eu une expérience douloureuse avec un lombricomposteur qui a eu raison de notre pourtant-très-grande motivation. Bref, c’est bien mignon mais on brasse de l’air.

Rob Hopkins est devenu mon nouveau Dieu et je voudrais intégrer un « groupe de transition », ici ou ailleurs, même si j’ai l’impression, malheureusement, que Paris n’est pas exactement the place to be pour faire ça. Je peux me tromper, et j’en serais ravie car j’aime cette ville même si je vois bien ses défauts. Mais pour agir de façon plus agile, il faut être au contact d’une collectivité capable d’évoluer rapidement. Mon rêve, aujourd’hui, se borne à ceci : vivre heureux mais pas à crédit ; je ne veux plus vivre au détriment de mon environnement, naturel ou humain.

 


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